Sommaire : La terre des morts
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L’idée originelle de ce drame en milieu rural est venue de la lecture du texte de Daniella Talmon-Heller (« The Shaykh and the Community: Popular Hanbalite Islam in 12th-13th Century Jabal Nablus and Jabal Qasyûn » dans Studia Islamica, N°79, 1994, P. 103-120), qui évoquait la situation des populations musulmanes sous domination latine et la fuite de la communauté hanbalite des environs de Naplouse. Elle aurait commencé vers le tournant du siècle d’après Benjamin Kedar, ce qui convenait parfaitement à la date à laquelle devait se dérouler cette aventure d’Ernaut jeune sergent du roi (« Some new sources on Palestinian Muslims before and during the Crusades » dans Die Kreuzfahrerstaaten als Multikulturelle Gesellschaft: Einwanderer und Minderheiten im 12. und 13. Jahrhundert, éd. Hans Mayer, R. Oldenbourg, 1997, repr. dans Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant, Aldershot: Ashgate, Variorum Collected Studies Series, 2006, pp 129-40).
J’avais déjà pu découvrir l’organisation de l’habitat rural dans le royaume de Jérusalem grâce au livre de Ronnie Ellenblum (Frankish Rural Settlement in the Latin Kingdom of Jerusalem, Cambridge University press, Cambridge, 1998), qui présente un tissu d’agglomérations vivant les unes à côté des autres, mais en respectant des frontières communautaires strictes. J’avais prévu depuis longtemps de faire en sorte que Lambert prenne un manse à La Mahomerie (qui deviendra la Grande Mahomerie par la suite, Mahomeriola devenant la Petite), car j’y avais trouvé un Lambertus Borgoniensis dans la liste des hommes prêtant serment au Saint-Sépulcre, certainement après 1155 (charte 131 du Cartulaire du Saint-Sépulcre, édité par Eugène de Rozière, 1849 ou 117 dans la version éditée par Geneviève Bresc-Bautier, Le cartulaire du chapitre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, Librairie Orientaliste P. Geuthner, 1984). J’espère que le vrai Ogier de Saint-Gilles, cité également (ainsi que tous les protagonistes nommés dans le casal) me pardonnera de l’avoir dépeint sous un jour bien sombre, nous n’en savons a priori que le nom, tout le reste étant invention romanesque de ma part.
Le cœur de l’histoire de bornage est né également de la lecture d’une charte (Rozière 129 ou Bresc-Bautier 121), le seigneur Robert de Retest y est cité, en présence de Iohannes, traducteur et d’un certain Pedem Tortem, vieux musulman que le noble menaçait de nouveaux sévices aux jambes s’il faisait une erreur de délimitation des terres. Cela concernait une affaire de délimitation de terrains entre son domaine et celui du Saint-Sépulcre, vers la fin de la décennie 1150, donc a priori après que l’histoire que j’ai inventée leur serait parvenue aux oreilles.
Enfin, j’avais le désir de mettre en scène un jugement par bataille, communément présenté sous le nom de Jugement de Dieu, et dont le cérémoniel complet nous est donné pour la Terre sainte : « De la bataille por murtre » (édité par Eduard Heinrich Kausler, Les livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani, vol. I, 1839, p. 397), « Règles de la bataille devant la Basse Cour » (édité par Victor Foucher, Assises du Royaume de Jérusalem, Tome 1er, 2nde partie, 1861, p.323), « De la bataille por murtre » (édité par Le comte Beugnot, asises de Jérusalem ou recueil des ouvrages de jurisprudence composés pendant le XIII^e siècle dans les royaumes de Jérusalem et de Chypre, tome 2, 1863, p.326). Le formalisme et la pesanteur des procédures me semblaient intéressants à présenter dans leur quasi-intégralité et offraient un bon cadre pour développer le récit, ponctuant l’avancée des découvertes d’Ernaut.
Le texte des déclarants reprend quasi mot à mot ce qui est proposé dans les sources. J’ai juste un peu simplifié l’usage et la présentation des témoins telle qu’elle est inscrite dans le livre des Assises, par souci de clarté, mais cela ne me semble pas avoir été une indication incontournable, au regard de ce que j’ai pu découvrir dans les travaux d’Adam Bishop (Criminal Lew and the Development of the Assizes of the Crusader Kingdom of Jerusalem in the Twelfth Century, Ph.D Thesis, Université de Toronto, 2011). Il évoque par exemple la présentation qu’en fait Usamah ibn Munqidh, qui a eu l’occasion d’assister à une telle bataille.
Par ailleurs, je dois dire qu’un ouvrage qui me fut essentiel pour la compréhension de la vie agricole telle qu’elle pouvait être pour les habitants de Judée-Samarie au XIIe siècle fut rédigé au XXe siècle, sur l’agriculture traditionnelle et les fellahs, par Jacques Weulerse, Paysans de Syrie et du Proche-Orient, Gallimard, 1946. J’y ai trouvé de très nombreuses indications pour rendre vivante cette population découverte pour ma part au travers des chartes.
Enfin, une nouvelle fois, je me suis largement appuyé sur les travaux de Denys Pringle, dont les Gazetteer (Secular Buildings in the Crusader Kingdom of Jerusalem. An archaeological Gazetteer, Cambridge University Press, 1997 & The Churches of the Crusader Kingdom of Jerusalem. A corpus, Deux volumes, Cambridge University Press, 1993 & 1998) demeurent toujours à portée de main, que ce soit le tome sur l’architecture civile ou ceux sur l’architecture religieuse.
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